Télévente

Publié le par Hephaistos639


Je reconnais un télévendeur avant même qu'il dise un mot. Le téléphone sonne. Je réponds. Aussitôt, j'entends un brouhaha semblable à celui du rayon cosmétique et parfumerie des grands magasins. Puis c'est le débitage de leur accueil en conserve.

Un seul de ces appels est une nuisance. Quand ils se répètent quatre, cinq, six fois dans la soirée, je passe de l'ennui à quelque chose de plus nocif.

Il ne se passe pas une journée sans qu'une boite ne me harcèle. Et, si je gagne un hors-bord de plus, je pourrai les vendre et faire construire ma maison sur ce terrain en Floride que j'ai, me dit-on, gagné la semaine passé.

Alors j'ai décidé de monter un coup. De leur jouer un tour de mon invention.

Jeudi dernier, un appel est arrivé, exactement comme tant d'autres avant lui. J'ai répondu et entendu l'habituel brouhaha, suivi de mon nom une fois de plus écorché. Mais, au lieu de lui raccrocher à la gueule - c'était un type cette fois-, je lui ai dit : "Oh, attendez, qui êtes vous?"
Il a répète le nom d'un service de cartes de crédit.
"Eh bien, vous tombez bien parce que ça m'intéresse beaucoup, mais je suis avec ma grand mère sur mon autre ligne
- Dans ce cas je peux vous rappeler dans un petit moment...
- Non, dis-je avant qu'il ne raccroche. Je suis vraiment intéressé par vos offres. J'ai besoin d'une mastercard qui m'en donne plus. J'en aurais bientôt fini avec ma grand mère, et je pourrais alors vous rappeler".
Il y eu un silence. Je ne voulais surtout pas éveiller ses soupçons. Je jouais le mec réglo.
" Vous devez sûrement avoir un standard qui vous mettra en ligne avec moi, et nous pourrons mener notre petite affaire".
Je devais avoir parfaitement masqué mes diaboliques intentions car il me dit : " D'accord. Je m'appelle Paul. Vous composez le 1800-555-6575, et vous demandez le poste 14.
- Super. Merci Paul. J'apprécie. Je vous rappel sans faute".

Je souriais en raccrochant. J'ai été me chercher une bière au gingembre bien fraîche dans le frigo. J'ai esquissé quelques pas de danse et j'ai décroché le combiné.
"Paul à la réception" dit il d'un ton qui le rapprochait plus de l'employé de bureau que du télévendeur. Je comprenais qu'il ete moins habituer à recevoir des appels de la part de ses clients et victime, et qu'ainsi il été moins agressif.
" Hé Paul, c'est Augusten Burroughs. Vous m'avez appelé tout à l'heure.
- Ah, très bien".
Il s'est lancé dans le descriptif de sa camelote, descriptif qu'il lisait probablement sur son écran.
Je souriais. Je n'écoutais pas, attendant patiemment qu'il eût terminé. Quand cela arriva enfin, je lui dit : "Bud, t'as une belle voix tu sais.
- Pardon ? me demanda-t-il.
- Je dis que ta voix me plaît bien.
J'essayais d'être le plus détaché possible, ni séducteur ni lubrique. Une voix de mec, d'hétéro, comme si je lui demandais ce qu'il pensait de la performance des Mets, la veille au soir. Je faisais cela à dessin, pour le désorienter.
" Euh...d'accord" dit il d'un air troublé.
Je laissais un silence gêné s'étendre entre nous, avant de demander "T'as un appareil photo numérique ?
- Quoi ?"
Il avait l'air carrément perdu par le tour soudain de la conversation.
" Je te demande si tu as un appareil photo numérique, toi, personnellement, Paul.
- Monsieur Burr...
- Burroughs, dis-je, lui venant en aide.
- Monsieur Burroughs, je veux seulement savoir si vous êtes intéressé par une mastercard avec un taux d'intérêt de 3%."
Le ton s'était durci, et je ne voulais pas le perdre.
" Oui, répondis-je enfin. Je veux cette carte. Pas de doute la dessus.
- D'accord, dit-il, c'est parfait."
Je savais qu'il souriait. Je pouvais parfaitement visualiser l'étirement de ses lèvres découvrant les dents. Je l'entendais taper sur son clavier.
" À UNE CONDITION, ajoutais-je. Je veux que vous rentriez chez vous ce soir, et, avec votre appareil photo numérique, Paul, je veux que vous preniez une photo de votre bite et que vous me l'envoyiez par e-mail."
Je marquais une pause le temps qu'il enregistre.
" Voici mon adresse :  AugustenB@aol.com".
Silence à l'autre bout. Je percevais le bruit de sa respiration, ce qui était étrangement intime et curieusement excitant. Il n'était plus un trou du cul de télévendeur, mais un animal humain qui respirait.
" Pas besoin d'avoir la trique, Paul. Une bite molle suffira. Mais je veux cette photo dans ma messagerie et alors je prendrais cette fichue carte. En fait, Paul, si tu m'envoie la photo de ta bite, je ne te prendrais pas seulement la visa, mais aussi la mastercard".
Sur ce, il raccrocha.

Non, non, non, non, tu vas pas t'en tirer comme ça, mon petit. Quand c'est moi qui raccroche au nez d'un télévendeur, il ne manque jamais de me rappeler. J'attendis une dizaine de minutes et je remis ça.

Cette fois, c'est d'un ton hésitant et presque inquiet qu'il déclina son nom.

"Salut Paul, c'est Augusten. Alors, cette photo, tu me l'envoie?

- Va te faire foutre, espèce de pédé, il crachote

- Dis donc, mec, c'est pas moi l'enfoiré qui appel des hommes chez eux dans la soirée, d'accord ? C'est pas moi qui leur gerbe dans les oreille toute sorte de propositions bizarres."

Ça, il n'eut pas l'air d'aimer.

"Putain, va te faire mettre. Je te demande seulement si tu veux une putain de mastercard.
- Paul, tout ce que je sais c'est que ça fait deux fois que tu parle de foutre et de mettre. Je suis un mec et ton pénis a été mentionné des tas de fois. Bon sang, tu te comportes comme un ado. Tu devrais consulter un psy, garçon. Parce que moi je m'en fous pas mal que tu sois pédé."
Je venais une fois de plus de rétablir le silence. Sa respiration été sensiblement plus lourde.
"À quel jeu vous jouez ?
- Ce n'est pas un jeu. Tu veux placer un contrat ? Moi, je veux voir ta bite. C'est un troc tout ce qu'il y a de juste, crois moi."
Il raccrocha. Je tendis la main vers ma bière au gingembre, fraîche à souhait, et m'en envoyai une bonne lampée.

Cette boite de carte de crédit ne m'a plus jamais rappelé.

Et, pour ma plus grande joie, AT&T (
ndb (grâce au traducteur) : Premier opérateur de télécommunication américain) n'a pas récidivé non plus , après que j'ai demandé à l'une de leurs démarcheuses au chaud accent sudiste si, par hasard, elle ne serai pas un transsexuel devenue une femme. Et, si tel était le cas, quelle était la profondeur du vagin que les chirurgiens avaient pu lui créer. "Douze centimètres est une longueur assez commune, je lui dit. Mais si vous dilatez bien, vous pouvez aller jusqu'à quinze."
J'ai même réussi à évoquer l'autolubrification avant qu'elle ne raccroche.



Pensée Magique de Augusten Burroughs


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